Construire un groupe de travail à Sciences Po mêlant administration, professeurs, formateurs du Shift project et élèves pour mettre à jour les maquettes pédagogiques en licence et master de manière à dispenser une formation académique ambitieuse aux élèves sur les conséquences scientifiques du réchauffement climatique et les moyens concrets dont ils disposent pour décarboner leur secteur, tout en les orientant vers des métiers clefs de la transition écologique.

L’initiative que nous vous soumettons a émergé à la suite de plusieurs fresques du climat organisées avec des groupes d’étudiants de Sciences Po désireux de comprendre les mécanismes du changement climatique. En effet, ces rencontres ont créé une réelle dynamique solutionniste, qui nous a permis de dresser le constat suivant : les enseignements des maquettes pédagogiques de l’école n’abordent que très peu les enjeux liés à la décarbonation et les sciences dites “dures” (mécanismes du dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, enjeux liés aux ressources énergétiques et minérales). 

Sciences Po accueille chaque année 14 000 étudiants amenés à s’orienter vers une pluralité de carrières, allant de l’administration publique au marketing en passant par la finance et le droit. Or, s’il existe plusieurs masters spécialisés dans les questions environnementales au sein des différentes écoles de master, nous pensons que ces enjeux doivent être présents dans l’ensemble de l’offre académique dispensée par Sciences Po. L’objectif de ce travail autour des maquettes pédagogiques serait alors de permettre aux élèves des autres cursus de disposer d’outils pour aborder de manière ambitieuse les enjeux environnementaux propres à leur secteur pour anticiper et mieux initier les transformations à venir. 

À titre d’exemple, au sein du Master d’affaires publiques spécialité politiques publiques – le master de prédilection pour les élèves souhaitant intégrer l’INSP ou travailler dans la fonction publique de manière générale – les seuls cours axés sur l’environnement que peuvent choisir les élèves sont les séminaires de la spécialité Energy, Environment and Sustainability, qui portent presque tous exclusivement sur la question de l’énergie. Il serait donc intéressant de réfléchir à la possibilité d’intégrer également des cours sur le climat ou la biodiversité, mais aussi des cours sur les outils nécessaires aux élèves pour mener à bien la décarbonation de l’administration (bilan carbone, le budget vert) ou encore les outils normatifs et règlementaires existants ou à mettre en place pour œuvrer en faveur de l’environnement.

Nous vous soumettons cette initiative puisque nous sommes convaincus du rôle central que les écoles d’enseignement supérieur doivent jouer pour accompagner la transition écologique de la société. Nous savons que les Shifteurs ont à cœur de promouvoir la connaissance scientifique comme pré-requis nécessaire dans tous les secteurs professionnels pour mieux les transformer de l’intérieur, et ont déjà travaillé avec de nombreuses écoles d’ingénieur et de commerce. Nous sollicitons donc aujourd’hui votre aide et votre appui pour ce projet afin de mêler plus étroitement les enjeux scientifiques aux enjeux politiques de la transition écologique au sein de l’ensemble de l’enseignement dispensé par Sciences Po. 

Concrètement, nous souhaiterions entrer en contact avec des Shifteurs formés et compétents pour travailler sur les programmes, en s'appuyant sur le Plan de Transformation de l'Économie Française (PTEF), avec l’administration, les professeurs et les élèves. 

Nous pensons que cette démarche sera plus efficace si elle émerge dès maintenant directement du corps étudiant, dans une logique de réflexion horizontale, plutôt que d’attendre qu’une réforme verticale des programmes soit décidée d’ici à quelques années, quand il sera peut-être déjà trop tard. Notre objectif est ainsi de proposer un plan concret à l’administration, appuyé par des Shifteurs, afin qu’un partenariat soit noué avec le Shift. 

Ce travail passerait premièrement par une formation d’un maximum de professeurs aux enjeux environnementaux par le Shift, comme cela a déjà été réalisé dans plusieurs écoles d’ingénieurs et de commerce. En parallèle, un groupe de réflexion constitué de membres de l’administration, de professeurs et de Shifteurs travaillerait à une transformation des cursus de licence et master. 

En ce qui concerne les licences, le programme étant sensiblement le même pour chaque étudiant, nous aimerions faire des enjeux liés à la transition écologique et à la décarbonation un élément central du tronc commun. Cela signifierait concrètement de reprendre les maquettes pour ajouter des cours et modifier ceux dont l’approche environnementale n’est pas suffisamment ambitieuse de manière à ce que ces enjeux soient disséminés dans la majeure partie des cours dispensés en licence. 

En ce qui concerne les masters, Sciences Po propose six masters spécialisés sur les questions environnementales sur le total des 27 masters répartis en sept écoles. L’objectif pour les 21 autres masters qui n’abordent pas ces enjeux serait de créer un module de tronc commun par Master qui donnerait aux élèves des outils pour agir et contribuer à la décarbonation de leur secteur d’activité, en déclinant par exemple les mesures du PTEF pour l’administration publique. Nous avons d’abord pensé à effectuer ce travail pour quatre écoles de masters: l’école d’affaires publique, l’école de droit, l’école du management et de l’impact et l’urbaine. Ces quatres écoles concentrent en effet une grande partie des étudiants de Sciences Po dont les carrières vont être directement impactées dans les prochaines années par la transition écologique et énergétique (droit de l’environnement, finance durable, politique de la ville durable etc.).

En parallèle de ce travail autour des maquettes pédagogiques, nous avons à cœur de relayer les idées du Shift Project à Sciences Po au travers de la création d’une antenne relai des Shifteurs, qui ferait de la connaissance son modus operandi. L’idée serait de permettre aux élèves de se former entre eux dans un système de pair à pair, au travers de l’organisation régulière de fresques et d’ateliers. Nous présenterons alors ce projet aux étudiants au mois de janvier, avant le début du second semestre, moment où ils ont la possibilité de voter pour élire certaines initiatives étudiantes qui deviennent ensuite des associations officielles de Sciences Po. 

L’objectif à terme est aussi de permettre aux élèves qui souhaitent se saisir de la question d’être orientés et aidés dans leur avenir professionnel par l'organisme de Sciences Po Carrière” de l’école. 

Le projet dans son ensemble sera ainsi porté par cette association, que nous avons nommée “Atterrissons Sciences Po”, en référence à l’ouvrage Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, publié en 2017 par Bruno Latour. De cette manière, nous espérons rendre hommage au travail immense qu’il a effectué à Sciences Po pour porter les sujets environnementaux au coeur des préoccupations de l’école. En effet, en tant que directeur scientifique de l’établissement entre 2007 et 2013, il a notamment mis en place les premières simulations de COP ( “Copenhague, et si ça s’était passé autrement ?”  ainsi que “Paris Climate 2015. Make it Work”), et a été à l’initiative du double diplôme Scube (aujourd'hui BASc) en Sciences et Sciences Sociales. Nous espérons donc que notre initiative pourra s’inscrire dans la continuité de l’esprit et de la culture qu’il a développé à Sciences Po.

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