Les Shifters interviennent dans le débat public dans un cadre non-partisan. À ce titre, nous ne sommes affiliés à aucun parti politique et n'émettons aucune consigne de vote. Cette position est-elle tenable en toutes circonstances ?
Les élections législatives anticipées de juin et juillet 2024, faisant suite à la décision du président de la République le 9 juin de dissoudre l’Assemblée nationale, ont plongé la société française dans un climat d’incertitude et de remous, poussant un certain nombre d’associations et d’ONG à prendre la parole publiquement sur des sujets politiques.
Cette agitation n’a pas épargné les Shifters. Avant le premier tour, une pétition a ainsi circulé au sein de notre association, interpellant le Conseil d’administration pour demander à ce que les Shifters appellent au barrage contre le Rassemblement National. L’Association a répondu en plusieurs temps. Nous avons tout d’abord, conjointement avec le Shift Project, publié une note de positionnement sur l’importance du vote et la nécessité de poursuivre les efforts de décarbonation, avant de relayer une analyse technique des programmes des trois partis en lice pour le second tour, analyse qui se terminait par un encouragement à voter. Ces communications sont restées fidèles à notre principe d’apartisanisme. Après l’élection, le Conseil d'administration a organisé des groupes de parole durant tout le mois de juillet, avec l’objectif premier d’écouter nos membres sur la manière dont ils avaient vécu cette période.
Le Conseil d’administration tire plusieurs enseignements de ces échanges. Tout d’abord, les Shifters qui s’y sont exprimés semblent avoir approuvé que l’association conserve sa ligne apartisane durant cette période. Le fait que nous nous en remettions à nos « boussoles idéologiques » que sont notre Charte et notre Référentiel durant cette période troublée (plutôt que de les remettre en cause dans la hâte) a été majoritairement approuvé, voire apprécié. Néanmoins, de nombreux Shifters ont fait part de leur inquiétude quant à deux problématiques : d’une part la manière d’être apartisans en pratique, qui n’est pas toujours évidente ; d’autre part la pertinence d’une posture apartisane absolue, valable partout et toujours quelle que soit l’évolution du contexte politique et sociétal. C’est cette deuxième question que nous souhaitons ici ouvrir et débattre.
La position apartisane des Shift et des Shifters procède d’un objectif d’efficacité : En refusant de soutenir ou d’encourager à voter pour ou contre une formation politique donnée, nous préservons nos chances de rester audibles auprès de celle-ci et de ses électeurs. Devons-nous toutefois anticiper des situations dans lesquelles cette position ne tient plus ? Qu’adviendrait-il de l’Association en cas de glissement prononcé vers une société illibérale par exemple ? L'Association devrait-elle alors, temporairement ou durablement, suspendre ses activités ? Devrait-elle, temporairement ou durablement, sortir de sa position apartisane ? Avec quelles conséquences à court et long terme pour l’Association ? Avec quelles conséquences pour le Shift Project ?
Le groupe de travail répondra à ces questions en articulant sa réflexion en quatre temps :
- Mise en contexte de notre définition de l’apartisanisme :
- Bien que nous soyons amenés à nous exprimer sur des sujets d’ordre politique, les Shifters (et le Shift) sont apartisans dans le sens où nous ne soutenons aucun parti politique spécifique. Nous ne nous positionnons ni en faveur ni contre un parti particulier, et nous ne nous alignons pas sur une idéologie politique partisane. Cette définition fait-elle consensus au sein des think-tanks, associations, ONG ? Existe-t-il d’autres définitions ?
- Quand le thème d’apartisanimse est-il apparu dans l’histoire ? Sa définition a-t-elle évolué au cours du temps et si oui au gré de quels événements historiques, sociétaux, politiques ?
- Y a-t-il des sociologues ou des philosophes qui travaillent sur le concept d'apartisanisme et de son rapport à l'éthique ?
- Analyse de situations passées :
- Comment les autres associations et ONG françaises se sont positionnées suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale en juin 2024 ? Comment la position du Shift et des Shifters a-t-elle été perçue ? Cette position les a-t-elle influencées et si oui de quelle manière ? Quelle est maintenant leur regard sur leur prise de position d’alors ? Referaient-elles les mêmes choix avec le recul ?
- Comment des associations ou ONG étrangères traitant de sujets de transition écologique et implantées dans des pays gouvernés par l'extrême-droite (par exemple en Hongrie, en Pologne, en Italie) se sont-elles positionnées vis-à-vis du pouvoir ? Ont-elles conservé leur éventuelle posture apartisane et si oui, avec quelles conséquences ? Que sont devenues les associations ayant pris position contre les gens qui sont arrivés au pouvoir ?
- Quelles sont les limites ou les pièges auxquels les pays aux positionnement historiquement neutre (par exemple la Suisse ou l’Irlande) se sont confrontés dans l ’histoire ? Quels ont été les “moments historiques” durant lesquels la neutralité, soit n’était plus tenable, soit a mené à des décisions qui furent justement interprétées comme partiales ? Comment les prises de positions de ces pays en vertu de la neutralité ont-elles été interprétées par les autres ?
- Compréhension du “pourquoi” nous - Shift et Shifters - sommes aujourd’hui apartisans :
- Quelles sont les motivations stratégiques et tactiques ayant conduit à ce positionnement ?
- Quelles sont les opportunités et les freins que cela crée ?
- Comment les administrateurs du Shift, les administrateurs, coordinateurs, pilotes et membres des Shifters répondent-il à ces questions ? Y a-t-il une position commune sur ces sujets ?
- Comment les Shifters perçoivent-ils cette position apartisane ? Quelles difficultés éthiques cela pose-t-il ?
- Anticipation de crises futures. Peut-on imaginer des situations qui amèneraient l’association - temporairement ou non - à suspendre ses activités ou à sortir de leur position apartisane ? On répondra à cette question de manière prospective, en imaginant des scénarios qui prennent pour point de départ un “choc” interne (par exemple : l’irruption d’une querelle au sein des Shifters mettant en cause la stabilité de l’Association) ou externe (par exemple : un gouvernement en France dissout le régime fiscal de faveur envers les associations d’intérêt général). On essaiera d’avoir une liste la plus exhaustive possible de situations qui pourraient mettre l’association à mal.
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